- Les chimistes -

 

 

Jacobus Henricus Van’t Hoff
(Rotterdam, 1852 - Berlin, 1911)

Né le 30 août 1852 à Rotterdam, le premier lauréat du prix Nobel de Chimie commença sa carrière très jeune. Il se fit connaître en publiant en 1874 un mémoire de onze pages sur la relation entre l’activité optique et la structure chimique des composés organiques en solution capables de dévier le plan de polarisation de la lumière. La même année, en novembre 1874 précisément, Le Bel publia dans le Bulletin de la Société Chimique de France un mémoire dont le contenu était très proche de la publication de Van’t Hoff.
Van’t Hoff découvrit que l’activité optique des composés organiques apparaît lorsque les quatre liaisons de l’atome de carbone, dirigées vers les sommets d’un tétraèdre régulier dont l’atome occupe lui-même le centre, portent quatre atomes ou groupements d’atomes de nature différente. On obtient ainsi deux structures symétriques non superposables dont l’une dévie la lumière polarisée à gauche (lévogyre) et l’autre à droite (dextrogyre).
Ces travaux firent connaître Van’t Hoff dans les milieux scientifiques, et en 1878, alors qu’il n’était âgé que de 26 ans, il devint professeur de chimie à l’Université d’Amsterdam. Ses nouvelles activités pédagogiques le détachèrent momentanément des "travaux de paillasse", mais lui permirent en revanche de s’adonner à un travail de réflexion sur les problèmes chimiques fondamentaux, ce qui aboutit à la publication, en 1884, d’un ouvrage intitulé "Dynamique chimique", suivi en 1885 d’un mémoire sur "l’Equilibre chimique dans les systèmes gazeux ou dissous à l’état dilué", complété par trois autres publications en 1886. La parution de ces travaux théoriques a placé la chimie physique sous un nouvel éclairage, et de nombreux chapitres sont encore d’actualité et constituent les bases de la dynamique chimique moderne. Ces nouvelles conceptions répondaient à des questions que Van’t Hoff s’était posées lorsqu’il avait travaillé sur les phénomènes d’oxydation, à savoir la raison pour laquelle l’alcool méthylique s’oxyde plus rapidement que le méthane : problème qui nécessitait une réponse à la fois cinétique et thermodynamique du processus chimique.
Van’t Hoff classe les réactions en systèmes mono-, bi-, trimoléculaires et en systèmes réversibles qui aboutissent à un équilibre chimique. Il établit une relation mathématique entre la variation des constantes d’équilibre et les changements de températures. Cette relation fut testée et confirmée par de nombreuses expériences. Elle devint une loi fondamentale que l’on énonça de la façon suivante : "tout équilibre d’un système chimique se déplace par abaissement de la température vers l’état dont la formation développe une plus grande quantité de chaleur".
C’est également ce que voulait exprimer d’une façon plus prosaïque H. Le Châtelier , qui écrivait dans une communication : "Tout système en équilibre chimique stable soumis à l’influence d’une cause extérieure qui tend à faire varier soit la température soit sa condensation (pression, concentration) dans sa totalité ou seulement dans quelques unes de ses parties, ne peut éprouver que des modifications intérieures qui, si elles se produisent seules, améneraient un changement de température ou de condensation de signe contraire à celui résultant de la cause estérieure".
En 1886, cette loi, reprise en des termes plus simples, définira de façon concrète l’affinité chimique que l’on apprendra à déterminer, en ce qui concerne les solutions ioniques, par la mesure des forces électromotrices.
Comme de nombreuses réactions évoluent en solution, Van’t Hoff montra que le concept de pression osmotique jouait un rôle très important, permettant de considérer comme analogues les propriétés des systèmes gazeux et celles de solutions diluées de non-électrolytiques (idéales). En 1885, il établit une relation qui rappelait l’équation d’état des gaz parfaits. Le concept de pression osmotique n’était pas nouveau, puisqu’il avait été introduit pour la première fois en 1748 par l’abbé Nollet, qui avait observé qu’ "un récipient cylindrique fermé par une vessie de porc, rempli d’une solution d’esprit de vin (alcool) et immergé dans l’eau pure, donnait lieu à un gonflement et même parfois à l’éclatement de la vessie". Nollet avait alors appelé "pression osmotique" (en grec, impulsion) cet accroissement de la pression à l’intérieur du cylindre. La première étude quantitative de la pression osmotique est due à Pfeiffer qui, en 1887, publia plusieurs mémoires sur ce sujet. Ainsi il montra que cette pression pouvait atteindre des valeurs très élevées : par exemple, une solution de saccharose dans l’eau à 20°C, à la concentration de 0,37 mole par litre, développe une pression osmotique de l’ordre de 10 atmosphères.
Van’t Hoff eut le grand mérite de reconnaître que la pression osmotique des solutions diluées varie de façon analogue à la pression des gaz parfaits : les molécules ont donc une même réalité dans les deux états. Il apportait une contribution importante dans la connaissance de la matière à une époque où les opposants à la théorie atomique étaient encore nombreux. Car la mesure des pressions osmotiques, qui permettait le dénombrement des molécules du corps dissous, eut pour conséquence de déterminer leur masse moléculaire.
Deux groupes de chercheurs réussirent par la suite à mesurer avec précision la pression osmotique : il s’agit de Morse et de Frazer, le premier de l’Université John Hopkins de Baltimore, le second de l’Université de Berkeley, ainsi que de l’équipe de Hartley d’Oxford. Ces méthodes sont encore utilisées aujourd’hui pour déterminer les masses molaires des macomolécules.
Auparavant, Raoult avait montré de façon empirique que les masses molaires de composés dissous pouvaient être calculées à partir de mesures cryoscopiques. Van’t Hoff justifia ce phénomène et, à partir de la loi sur la pression osmotique, déduisit celles de la tonométrie, de l’ébullioscopie et de la cryoscopie. S’intéressant à la nature même du phénomène d’osmose, il suggéra que son origine se trouve dans l’interaction entre les molécules du soluté et celles du solvant, et non dans le bombardement moléculaire tel qu’on le considérait dans la théorie cinétique des gaz. Il étudia également les solutions d’électrolytes qui présentent toutes une pression osmotique anormalement élevée. Arrhénius fournira une explication en proposant sa fameuse théorie de dissociation ionique. Les travaux de Van’t Hoff et d’Arrhénius connurent un rapide et grand retentissement grâce à la parution, sous l’impulsion d’Ostwa1d (prix Nobel de Chimie 1909), en 1887, du premier tome de la célèbre revue des chimico-physiciens "Zeitschrift für Physicalische Chemie".
A Berlin, où il est nommé professeur en 1896, Van’t Hoff est élu membre de l’Académie des Sciences. Dans ses derniers travaux, il se consacre à des recherches en chimie appliquée et en chimie biologique, étudiant l’action des enzymes et soulignant que les lois fondamentales de la chimie physique s’appliquent aux réactions du monde vivant. Ses travaux, d’intérêt principalement théorique, ont eu des conséquences pratiques inestimables. Lui-même appliqua les lois de dynamique chimique, en étudiant l’équilibre responsable de la composition des dépôts de sel de Stassfurt à partir de l’eau de mer. Pour lui rendre hommage, W. Kubierschky, découvrant en 1901 à Stassfurt un sulfate double de magnésium et de sodium naturel, l’appela vanthoffite (MgSO4, 3 Na2SO4).


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